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Cartes sur table – Chantier de restauration des cartes du fonds Géosciences

Contexte historique de la collection

La fermeture de la bibliothèque du laboratoire de Géosciences situé sur le campus Triolet de l’Université de Montpellier en décembre 2020 a impliqué un transfert de certaines de ses cartes à caractère patrimonial à la Bibliothèque universitaire de Sciences.
Les cartes traitées lors de ce chantier sont des cartes anciennes qui servaient de support de travail ou de support pédagogique pour les chercheurs. Il s’agit aussi de cartes représentant des coupes géologiques réalisées par des chercheurs travaillant au sein de ce laboratoire. Parmi celles-ci, des cartes du département de l’Hérault réalisées en 1876 par Paul Gervais de Rouville1 , ou celle du Gard accompagnée de ses coupes géologiques réalisées par Émilien Dumas2 en 1852.
L’état de conservation de cet ensemble était préoccupant ; leur manipulation difficile sans risque de dégradation rendait leur numérisation particulièrement périlleuse. Compte tenu de leur importance historique identifiée et de l’intérêt actuel des chercheurs, la mise en place d’un traitement curatif et préventif a été décidée à la demande de la conservatrice en charge des collections patrimoniales documentaires de l’université de Montpellier.
Le chantier concerne 55 cartes du fonds coté GEOL. Il a été pris en charge par les ateliers de conservation-restauration et de numérisation au deuxième semestre 2020. Le protocole mis en place pour chaque carte est le suivant : la prise de vues photographique avant traitement, la réalisation d’un constat d’état, le traitement curatif, la prise photo après traitement, la confection de conditionnement puis pour finir la numérisation.

Cartes du fonds GEOL en cours de traitement

Identification et étude préalable de l’état de la collection

L’ensemble des documents sont des cartes réalisées dans la seconde moitié du XIXe siècle. Leur support est un papier épais fabriqué de manière mécanique, à base de pâte de bois. Le fonds est composé à 58 % de cartes de grand format, c’est-à-dire dont un côté mesure plus de 65 cm. Nous avons classé les cartes dans trois catégories en fonction de leur taille. Les catégories sont déterminées en fonction des contraintes physique et matérielle pour leur numérisation.
46 cartes sont des impressions lithographiques3 . Inventé vers 1797, ce procédé se démocratise et permet une reproductibilité quasi illimitée tout en conservant des épreuves de bonnes qualités. Grâce aux mentions imprimés, nous avons repéré 10 imprimeurs dont deux ont une production plus importante dans le lot : l’un est montpelliérain, « Boehm & fils » et l’autre est parisien, « Lemercier ». Neuf cartes sont réalisées avec des techniques graphiques comportant de l’aquarelle, de l’encre, de la mine graphite ou du crayon de couleur. Ce sont surtout des coupes géologiques réalisées par les chercheurs. On observe aussi que de nombreux documents imprimés ont été annotés ou modifiés à l’aide de techniques graphiques montrant les réflexions menées par les chercheurs.

État sanitaire du fonds

Des constats d’états ont été réalisés dans un tableau Excel qui a permis d’avoir une vision générale des dégradations présentes. En résumé, sur les 55 cartes :

  • 20 (soit 33 %) sont en bon état. Elles sont manipulables et n’ont pas de dégradation structurelle ;
  • 17 (soit 31 %) sont dans un état moyen. Elles ont des altérations structurelles mineures, ce qui implique que leur manipulation est risquée ;
  • 18 (soit 33 %) sont en mauvais état. Elles ont des altérations structurelles majeures, ne permettant pas leur manipulation.

Les altérations observées

Sur l’ensemble des cartes, 64 % présentent des altérations structurelles impactant leur manipulation.  Ces altérations sont dues à plusieurs facteurs : certains liés à la nature des supports et aux conditions de conservation et d’autres liés à leur utilisation par les chercheurs. Les cartes qui sont considérées comme en « mauvais état » ont de nombreuses déchirures, plis cassants et lacunes sur les bords. De plus, du fait de la nature du support, plus sensible à la lumière, on observe une coloration brunâtre généralisée.

GEOL 4-4 et 4-5. Exemple de deux documents similaires qui n’ont pas subi la même utilisation et exposition à la lumière. Le papier du document GEOL 4-5 est oxydé et porte des marques de punaises montrant qu’il a été exposé.

Les altérations causées par les adhésifs

Plusieurs types de rubans adhésifs ont été appliqués sur les cartes par le passé. Il est difficile de définir à quelle période ils ont été appliqués. Nous avons observé quatre types de consolidation :

  • Un ruban adhésif dont le support est en Acétate de cellulose et l’adhésif composé d’acrylique (de type Magic tape Scotch®) ;
  • Un ruban adhésif dont le support est en polypropylène et l’adhésif composé lui aussi d’acrylique (de type Scotch®) ;
  • Un ruban adhésif armé dont le support est un film polypropylène et fils de verre (de type Ruban adhésif armé chaîne et trame 145 microns SCOTCH 3M®) ;
  • Des comblements plus anciens composés de papiers de réemploi collés avec une colle de type cellulosique.

Les rubans adhésifs se composent de deux éléments :  un adhésif sensible à la pression et un support rigide. Avec le temps ils se dégradent, l’adhésif pénètre le papier créant des taches jaunes et huileuses, puis le support se désolidarise. Lorsque le film est décollé, l’adhésif encore présent reste collant, la poussière y adhère et peut altérer les autres documents collés à son contact. Concernant les réparations réalisées avec des papiers de réemploi et de la colle, on observe qu’ils causent des surépaisseurs et des tensions. La colle utilisée crée des taches et une rigidité du papier.

Les traitements de restauration

Les traitements de restauration ont fait l’objet de discussions entre les restauratrices et les responsables de la collection. Plusieurs propositions ont été suggérées et il a été décidé de réaliser un traitement de restauration curatif le moins interventionniste possible, le but étant de stabiliser les documents afin de permettre leur bonne conservation et leur consultation. Nous rappelons que ces cartes étaient des documents pédagogiques ou de travail : pour ne pas induire le lecteur en erreur, il est nécessaire que les interventions apportées sur chaque carte soient visibles et documentées avec les matériaux employés dans un rapport d’intervention. Les documents ont été conservés dans de mauvaises conditions et on observe sur la quasi-totalité un empoussièrement important. L’ensemble des documents ont donc été dépoussiérés au recto et au verso. Concernant les anciennes réparations, il est nécessaire de les retirer pour garantir une bonne conservation des documents. Les rubans adhésifs présents sur les cartes sont relativement récents et ont donc été difficiles à retirer ; cette étape a été la plus longue. Les déchirures ont été renforcées à l’aide de papier japonais de grammages différents en fonction de l’épaisseur du papier. Dans la majorité des cas, il a été décidé de ne pas combler les lacunes présentes sur les bords (exceptions faites pour les lacunes représentant un danger de perte de matière lors de la manipulation). Aucune retouche n’a donc été effectuée.

Dépoussiérage d’une carte

Conditionnement

Des pochettes en polyester sur-mesure ont été réalisées permettant à la fois de manipuler les cartes en toute sécurité et d’assurer un conditionnement protecteur. Ce matériau permet une visibilité des cartes au recto et au verso, il n’est donc pas nécessaire de retirer la carte de la pochette pour sa communication au public. Le polyester utilisé répond aux normes de conservation des œuvres. C’est un matériau neutre et chimiquement stable. Les cartes ont été rangées ensuite dans des porte-folios en carton de conservation neutre, puis stockées dans un meuble à plan.

Mise en pochette des cartes du fonds GEOL

Prises de vues photographiques et reproduction patrimoniale

Les cartes du fonds GEOL ont bénéficié de plusieurs campagnes de prises de vues documentaires et/ou illustratives. Elles ont été également numérisées pour diffusion prochaine dans le corpus « Cartes et plans » de la bibliothèque numérique patrimoniale Foli@.

Prises de vues photographiques

Des sessions de photos ont été réalisées avant traitement, puis après traitement, par Benjamin Sandri, photographe au SCDI. Il collabore étroitement avec la restauratrice en charge du chantier pour la mise en place des documents en répondant aux exigences précises propres à la documentation en conservation-restauration. Le travail en binôme facilite également la manipulation des cartes grand format.

Reproduction d’une carte du fonds GEOL pour constat d’état / Carte sur table

D’autres photos d’illustration et de documentation des traitements de restauration sont effectuées durant les traitements et complètent les prises de vue purement documentaires. Elles visent à garder une trace des actions menées et à communiquer en interne ou en externe sur les spécificités du chantier.

Photos et vidéos ont été réalisées avec le Nikon D500 : cet appareil photo numérique (APN) acquis par l’atelier photo en 2019 permet une bonne qualité d’image pour ces cas d’usages, à la différence de la reproduction patrimoniale pour lequel il n’est pas adapté.

Reproduction patrimoniale

Dès l’arrivée des cartes aux ateliers patrimoniaux, la reproduction pour diffusion dans Foli@ est prévue. Plusieurs tests de numérisation sur le numériseur Zeutschel sont menés afin de déterminer différents lots de numérisation de cartes d’après leur format et les traitements éventuels en post-production, les paramètres de numérisation étant identiques pour tous les lots.

Trois lots sont définis :

  • Format inférieur au A1 avec capture complète en une seule fois ;
  • Format proche ou supérieur au A1 avec capture complète à l’aide de plusieurs vues et assemblage en post-production ;
  • Format panoramique où l’assistance de l’atelier de conservation-restauration est requis pour la manipulation des cartes, et capture complète à l’aide de plusieurs vues avec assemblage en post-production.

Entre les premiers tests et la réalisation effective de la numérisation, deux années se sont écoulées au cours desquelles le besoin d’une solution de numérisation de documents de format supérieur au A1 s’est accentué.

numériseur Zeutschel

Après réflexion et plusieurs essais d’appareils photos numériques (APN) moyen format, l’atelier de numérisation-photographie s’équipe début 2023 d’un APN performant pour répondre aux exigences de la reproduction patrimoniale (boîtier Fujifilm GFX100S + 2 objectifs). En effet, la reproduction de cartes demande de pouvoir restituer avec une grande finesse une multitude de détails (lignes, traits rapprochés, symboles, textes de différentes tailles, parfois très petites), ce que le Nikon D500 ne peut réaliser compte tenu de ses caractéristiques techniques.

La reproduction est assurée en deux temps :

  • 16 cartes ont été reproduites sur le numériseur Zeutschel fin novembre 2022 ;
  • 39 cartes dont le format est proche ou supérieur au A1, ainsi que les cartes panoramiques, ont été reproduites à l’aide de l’APN moyen format en mai 2023.

Le nouvel équipement aura permis de ne déterminer que 2 lots de numérisation au final, mais avec une 2e session conséquente en termes de manipulation, de mise en place des cartes et de post-production.

Conclusion

Ce chantier est un exemple d’actions réalisées sur un fonds regroupant plusieurs dizaines de documents de grand format. La collaboration entre l’atelier de conservation-restauration et l’atelier de photographie et numérisation a permis d’ajuster parfaitement les traitements et les manipulations en fonction des objectifs et des besoins. La mise en ligne des cartes est actuellement en cours, les images seront prochainement disponibles sur la bibliothèque numérique Foli@.

Audrey Monet, conservatrice-restauratrice d’arts graphiques et livres

Audrey Cogoluègnes, responsable de la numérisation patrimoniale

  1. Paul Gervais de Rouville (1823-1907) obtient la chaire de géologie de Montpellier en 1864 puis sera Doyen de la Faculté des Sciences entre 1879 et 1891. ↩︎
  2. Jean Louis George Émilien Dumas (1804-1870) paléontologue et géologue. Il réalise notamment une carte géologique du Gard première dans son genre. ↩︎
  3. Technique d’impression consistant à dessiner le motif voulu sur une pierre calcaire à l’aide d’un crayon gras, puis d’encrer celle-ci pour réaliser l’impression. Elle est mise au point en Allemagne par Aloys Senefelder à la fin du XVIIIe siècle. ↩︎


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Monet Audrey (9 janvier 2025). Cartes sur table – Chantier de restauration des cartes du fonds Géosciences. Ex Bibliotheca. Consulté le 14 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/134fl


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